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jeudi 29 août 2013

Le 29 août, il y a 80 ans – 80 років потому, сьогодні

 

Lorsqu’un Français vous dit "Nous ne savions pas" – sachez qu’il ment.
Не забувайте : француз, який вам каже "Ми не знали" – бреше.

 


Nous quittâmes Kiev pour les villages des environs où nous avions laissé de la famille. Quelle ne fut pas notre surprise de voir à la place des villages riants et coquets que nous avions autrefois quittés, des ruines lugubres, pas une fleur, des palissades arrachées, des arbres sans feuilles, un silence désespéré, plus de chiens aboyants, plus de basses- cours, une atmosphère de mort. Comme nous arrivions à notre village natal, le cœur oppressé, nous descendîmes du train et vîmes venir à nous la population. Les gens paraissaient énormes «Eh bien ! pensais-je, on nous a trompés, ces gens sont très gras, donc très bien, nourris. », mais, comme ils s'approchaient, nous nous aperçûmes alors que cet embonpoint était dû à l'enflure des membres. Ils étaient, en outre, couverts de plaies suppurantes et dégageaient une odeur effrayante de pourriture ; à la place de vêtements, ils étaient couverts de guenilles.

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Je demandai alors s'il y avait une épidémie pour que tout le monde fût couvert d'abcès et tellement enflé. Chacun redoutait de me répondre, car on est terriblement espionné, toute délation vérifiée est récompensée d'un peu de nourriture – et que ne ferait-on pas pour recevoir un morceau de pain ! – bref, j'appris que, poussé par la faim, afin d'avoir quelque chose dans l'estomac, on mangeait les feuilles des arbres, on grattait les troncs pour manger l'écorce, on essayait de faire avec de la sciure et des mauvaises herbes un agglomérat qu'on mangeait que tout le monde allait mourir et que pourtant les récoltes étaient belles, mais qu'on ne pouvait y toucher...

 

J'ouvris alors mes paquets de farine et de harengs, ils se jetèrent dessus, prenant la nourriture à pleines mains, l'avalant aussi vite que possible. C'était un spectacle effrayant de voir ces malheureux se gaver de la sorte.

– Arrêtez, leur dis-je, vous allez vous étouffer, vous n'êtes plus habitués à manger autant à la fois ; faites cuire la farine.

– Non, non, nous voulons manger. Ah ! avoir de la nourriture dans l'estomac ! Laissez-nous manager. Vous ne savez pas ce que c’est !

Hélas! deux d'entre eux devaient mourir dans la nuit. Leur estomac n'était plus habitué à digérer.

 

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Je me fis conduire alors à quelques verstes du village, chez des amis qui vivaient encore. Il était tard quand' j'arrivai chez eux et quand la nuit fut venue, ils me supplièrent de rester chez eux.

– Il est trop dangereux de sortir maintenant, vous risquez d'être assassinés ; pour manger, il n'est pas de crime que les gens ne commettent.

Je ne pus dormir parce qu'à chaque instant les enfants se réveillaient en pleurant. « Hliba, hliba, holodni », criaient-ils en pleurant.

Les parents les faisaient taire, mais, deux minutes après, le chœur recommençait.

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Témoignage de Martha Stebalo cité dans l’article de Suzanne Bertillon, L’effroyable détresse des populations de l’Ukraine, Le Matin, 29 août 1933

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